Histoire inclusive

Assassin’s Creed Origins est un jeu vidéo sorti en octobre 2017 et développé par les studios Ubisoft Montréal dans lequel on incarne un Medjaÿ, un protecteur du peuple égyptien, du temps de la prise de pouvoir de Cléopâtre. Assassin’s Creed est une franchise dont chaque jeu se déroule à une époque différente. Une grosse partie de la communication faite avant la sortie du jeu insistait sur son intérêt historique et les développeurs ont récemment mis au point un mode « visite guidée » dans laquelle on troque les armes pour des commentaires historiques sur les coutumes de l’époque ou la description de villes égyptiennes.
Un des éléments de cette visite pédagogique laisse pourtant perplexe. En visitant la ville d’Alexandrie nous pouvons contempler un cours en plein air adressé à des garçons et des filles. Serions-nous en présence d’une véritable école mixte grecque? Les coutumes helléniques étaient-elles si égalitaires en matière de sexisme? Point du tout. Ubisoft nous fournit même une explication à travers une note intitulée «Gameplay inclusif»:

Ici, on peut voir des garçons et des filles suivant un cours dispensé par un des rhéteurs de l’époque. Notre équipe a choisi d’inclure des élèves des deux sexes dans l’univers du jeu. Si cette présentation est contraire à la réalité historique, l’équipe a préféré privilégier, dans le jeu, une approche inclusive rejetant le sexisme historique.

Quelle bien étrange façon d’aborder l’histoire et le sexisme. Si Ubisoft manipule les faits c’est, nous dit-on, pour rejeter le «sexisme historique». Mais comment peut-on penser les sociétés grecques, romaines et égyptiennes en niant leur part de sexisme? Il est bon de rappeler que dans les sociétés grecques et romaines les femmes ne pouvaient pas devenir des citoyennes et n’avaient pas de droits politiques qui étaient réservés aux hommes. Comment concilier ce fait avec l’apparition soudaine d’une éducation mixte? Comment penser la construction historique des luttes féministes si on efface le sexisme qui les a fait naître au fil des siècles? Ce révisionnisme historique va à l’encontre de la (bonne) volonté de départ des développeurs du jeu.
Soit on se place du côté de la pédagogie et d’une tentative de véracité historique en montrant les différences de traitement entre hommes et femmes, soit on se soumet au politiquement correct et on évite de froisser quelques égos incapables de faire la différence entre faits historiques et caution du sexisme. Mais on ne peut raisonnablement pas faire les deux.

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