Transparence et démocratie

Peut-on demander trop de transparence à nos représentants politiques ? C’est ce qu’affirment certains suite aux révélations faites par Mediapart sur les habitudes alimentaires de l’ex-ministre de l’écologie François de Rugy. Si les notes de frais des repas mondains ne pèsent pas lourd dans le budget national, le problème que cette affaire soulève est avant tout moral et politique. Il serait inconcevable qu’un homme politique rende compte de toutes ses dépenses. Il devrait pouvoir garder une certaine autonomie vis-à-vis des citoyens, au risque de sombrer dans une dérive totalitaire. On condamne[1]
« la moralisation », « le flicage » et « la sensation d’être transparents ». La vie privée de l’homme public doit être respectée.

Que demande-t-on réellement lorsqu’on souhaite ne pas avoir à rendre de compte aux citoyens ? La démocratie, comme gouvernement du peuple, repose sur l’idée que le pouvoir politique appartient au corps citoyen. Si ceux qui exercent ce pouvoir au nom du peuple et à sa place n’ont aucun compte à rendre à ce dernier et s’ils coupent le maigre lien qui les unit à lui, alors la classe politique exprime son mépris de la volonté populaire et confisque au peuple son pouvoir politique. Et un régime politique qui confisque le pouvoir politique au peuple, qui ne dépend pas directement et constamment de lui, un tel régime ne saurait se faire appeler une démocratie. En revendiquant l’autonomie de la classe politique on rappelle l’origine fondamentalement aristocratique et anti-démocratique du système représentatif. Les représentants n’ont pas de compte à rendre au peuple, ils gouvernent à sa place et en son nom. Peut-on alors leur faire le reproche de ne pas être assez transparents alors que la constitution de la Ve République interdit le recours au mandat impératif ? Lorsque nous disons que la transparence est une nécessité démocratique, est-ce que nous parlons de la même démocratie que nos élus ?

Une société vraiment démocratique, dans le sens originel du terme, nécessite au contraire que le corps citoyen soit la source exclusive du pouvoir politique. Ceux qu’il se choisit pour exécuter sa volonté, pour la mettre en œuvre, doivent être soumis à un contrôle stricte. Les mandatés ne doivent pas avoir pour fonction de substituer leur volonté à celle du peuple, mais au contraire de la respecter fidèlement et s’y soumettre. Il apparaît alors clairement que la plus parfaite transparence de la part de ceux qui exécutent la volonté du peuple est une condition nécessaire au fonctionnement démocratique car les citoyens doivent être en mesure de pouvoir vérifier que leur volonté est respectée. Si elle ne l’était pas, une société démocratique exigerait que les citoyens puissent révoquer ceux qui ne respectent pas leur volonté.

[1] https://actu.orange.fr/politique/agacee-ou-embarrassee-la-majorite-encalminee-dans-l-affaire-rugy-CNT000001h88sj.html

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