Les vieux métiers meurent, d’autres apparaissent avec les besoins modernes. Mais en regardant de près les conditions de travail de certains métiers émergents, on a peine à croire que nous sommes au XXIème. Coursier à vélo, par exemple, est une nouvelle activité en plein essor comme le prouve le développement très rapide des deux start up concurrentes qui se partagent le marché de la livraison à vélo de repas chauds : Delivreroo et Foodora, l’une anglaise, l’autre allemande, toutes deux pourvues de filières dans tous les pays européens. Elles emploient des livreurs sous statut salarié et d’autres sous statut d’indépendant (en tant qu’auto-entrepreneur) le plus souvent des étudiants ou des chômeurs prêts à travailler 70h par semaine.
Mais dans ces deux entreprises, les conditions de travail des coursiers à vélo, à Londres, à Berlin, à Paris ou Montpellier sont elles plus qu’archaïques :
le vélo, outil de travail du livreur, n’est pas fourni par l’employeur. C’est l’employé qui vient travailler avec son propre vélo, et qui donc a à sa charge tous les frais d’entretien et de réparation de son outil de travail.
La surveillance est à son maximum, puisque l’employeur connaît tout des déplacements de son employé, sa localisation, sa vitesse et sa direction pendant sa course, par le biais de l’application pourvoyeuse de « shift » (courses), elle aussi à la charge de l’employé.
De plus, les dangers encourus à vélo en milieu urbain sont énormes, d’autant plus que les missions sont chronométrées et soumises à obligation de rapidité : collisions et chutes sont des risques quotidiens et la pénibilité physique très élevée, un coursier pouvant parcourir dix à quinze kilomètres de l’heure. Les conditions climatiques augmentent également la pénibilité du travail, sans que ce critère ne soit pris en compte dans le salaire. Celui ci s’élève entre 6,5 et 9 euros de l’heure quand il y a du travail. Car les livreurs ne sont payés que si une course leur est proposée. Le tout donc sans salaire fixe, sans congés payés ni jour férié.
Ils sont 10 000 en France à travailler dans de telles conditions, à peu près autant dans chaque pays d’Europe où la foodtech est implantée.
Face à ces réalités professionnelles d’un autre temps, des collectifs sont nés et cherchent à s’organiser pour obtenir des droits. Certaines avancées, après des manifestations en juillet et août dernier en Allemagne, ont été obtenues en matière d’indemnité d’entretien des vélos ou d’indemnités kilométriques. Mais, plus encourageante encore est la démarche de la F.A.U. (anarcho syndicat allemand) qui propose de regrouper divers syndicats et collectifs de divers pays afin d’assurer une lutte européenne. La campagne syndicale internationale de coursiers à vélo de Deliveroo, Foodora et Co a été lancée en août dernier. C’est la preuve que les résistances collectives à l’échelle européenne sont possibles et efficaces. Et c’est la preuve aussi que le courage et l’audace des plus précaires peuvent nous servir de modèle pour les combats collectifs à venir…
À suivre aussi l’initiative de CoopCycle!